portrait de fabien berger en blouse blanche
© Ville de Tours - F. Lafite

Environnement

Portrait de Fabien Berger

« La belle étincelle »

Président de Fractal Energy, Fabien Berger développe des systèmes de stockage d’énergie renouvelable pour réduire facture d’électricité et empreinte carbone.

Publié le

« Fabien, qu’est-ce que tu as encore fait ? ! » Les plombs de l’appartement d’Évry ont sauté. Le coupable, âgé de dix ans, est trahi : ses cheveux sont en pétard ; « en pétard », sa mère d’origine italienne l’est encore plus. Mamma mia ! Son garçonnet a fiché deux tournevis dans une prise. « Résultat : une belle étincelle », se souvient celui-ci trente ans plus tard. Son projet était alors d’alimenter un compresseur de machine à laver relié par des pinces crocodiles à un circuit électrique fait maison. « Cette invention, explique-t-il, devait intégrer un super manteau rempli d’accessoires, identique à celui du génial Data, l’un des petits héros du film Les Goonies. »

Certes, Fabien ne connaît pas encore la loi des grands nombres, mais doué en calcul, il pressent que, à force d’expériences, « la pièce complexe » du destin finira bien par tomber du côté qui lui plaît : c’était mathématique ! « Contrôleuse à la Sécu », élevant seule ses deux enfants, sa mère se fait rembourser son « pardon » en bonnes notes à l’école. Fabien les obtient facilement : « Je respectais le programme, j’étais un automate. »
Pendant ce temps, son père, cadre du bâtiment, est occupé quelque part à ériger des tours au milieu d’ingénieurs. Pour grimper dans les étages, les enfants de ces derniers auront d’autres « facilités » : c’était sociologique ! Pour l’heure, aucun « plafond de verre » n’interdit au rêveur de passer au travers, et à l’imaginaire de Fabien, de s’illuminer devant les « malles aux trésors » pleines de pièces détachées, trouvées dans le garage d’un oncle ou d’un grand-père.

Suivre sa bonne étoile

Pour l’absoudre de ses « bêtises », Fabien a sa mère ; pour l’ordonner dans sa scolarité, il compte sur d’autres pères : ses professeur(e)s. Sans eux, il aurait dérivé, comme perdu dans l’espace, un nom de famille modeste flottant au-dessus de brillantes appréciations. La « bonne étoile » de ce Berger-ci fut qu’ils le suivirent de près, c’était mythologique ! Mais, comme l’Étoile du Berger désigne en vérité Vénus, planète balayée par de puissants vents électriques, les « rois mages » de Fabien lui feront surtout cadeau de bien l’orienter, l’aidant à s’éloigner du foyer, à tracer sa propre parabole : elle sera scientifique !

Après les classes préparatoires, Fabien intègre l’école d’ingénieurs Centrale Nantes qui le propulse en Italie : « À Milan, j’ai appris comment l’on fait se rencontrer deux satellites, comment l’on dimensionne une tuyère de fusée, comment on la fait décoller. » C’est un parfait candidat pour Arianespace, mais l’idée qu’« il n’est qu’une pièce à l’intérieur de modèles économiques qui [lui] échappent » trouble
ses équations…

« La Terre est un vaisseau »

Finalement consultant pour Altran, il planche sur des voitures électriques, des objets connectés, puis entame un Volontariat International en Entreprise à New York, employé par Lacoste, dont le logo est un détail le renvoyant à ses pinces crocodiles, à ses rêves d’enfant, à son « coup de foudre » originel. « Déphasé », il se refait le film : « Je voulais construire des vaisseaux, mais la Terre en est un… » Ce pourquoi, dès son retour en France, il se spécialise dans le « carburant renouvelable » dudit vaisseau, persuadé que « la conscience écologique de l’ingénieur fait sa vraie valeur ». La sienne a besoin de se structurer. À 30 ans, il s’inscrit à Sciences Po Paris, interroge des personnalités, dont deux astres philosophes récemment éteints : Pierre Rabhi, « foncièrement humain, pour qui le sursaut viendra de la société civile », et Hubert Reeves dont « le livre « Poussières d’étoiles est le premier bouquin que j’ai commencé et fini à 20 ans » et dans lequel il est écrit : « C’est par le jeu combiné des lois et du hasard que naît la beauté des flocons de neige », la beauté d’une vie, aussi.
En 2015, avec Gérard Feldzer, il cofonde Carwatt, « tourné vers le retrofit des véhicules thermiques en véhicules électriques, mais le business ne prend pas ».

Ne pas lâcher « prise »

Arrive le Covid et une interrogation : « Sommes-nous condamnés à n’être que des pions dans une espèce d’engrenage ? » Ami de longue date, Jérôme Barbou – son « Data » des Goonies à lui – « il vient du monde de la Data » – décide avec lui de faire des étincelles. En 2021, leur start-up Fractal Energy s’implante à Tours : « Son université, avec le laboratoire GREMAN et le CERTeM (Centre d’études et de recherches technologiques spécialisé en microélectronique), est experte dans notre domaine. STmicroelectronics (électronique de puissance), Tekin (Internet of things) ou RCP (design) deviennent, naturellement, des partenaires. » La Flex Box qu’ils développent « stocke l’énergie en heures creuses et la réemploie en heures pleines, avec pour objectif de réduire facture domestique et empreinte carbone », elle nécessite une simple prise sur laquelle la brancher…

Une fractale est une figure géométrique complexe, « le détail qui reproduit la partie, et la partie le tout ». Le flocon de neige d’Hubert Reeves en est une ; un éclair en tatoue une autre sur la peau des foudroyés. Dans la vie de Fabien, elle ramène à son point fixe, au foyer et à une voix : « Fabien, qu’est-ce que tu as encore fait ? » Déterminé, celui-ci veut plus que jamais lui répondre : « Quelque chose de très bien », déclinable « à l’échelle du quartier, de la ville, d’un pays, d’un continent », pour contribuer à ce que la Terre-Mère ne finisse pas, à son tour, par péter les plombs.

Texte : Benoit Piraudeau

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